Maryna Tchernycheva

« Je suis arrivée au Canada en 2008. Je suis née en Biélorussie qui est souvent confondue avec la Russie. C’est un pays tout près de la Russie, de la Pologne et de l’Ukraine. J’avais 28 ans, j’étais mariée et j’avais un fils d’un an. Nous nous sommes installés à Montréal où nous ne connaissions personne.

La situation politique est très violente en Biélorussie. Plusieurs pays comme le Canada et les États-Unis ont coupé le contact parce que c’est une dictature avec beaucoup de répression contre les gens qui ne sont pas d’accord avec le pouvoir. Les pays européens évitent même de survoler la Biélorussie car le gouvernement de Biélorussie a forcé un avion qui ne faisait que passer au-dessus pour arrêter un opposant au régime. En plus, il y a toujours les conséquences de Tchernobyl, une ville Biélorusse, qui se font sentir même des décennies plus tard. Il y a un taux de cancer de la glande thyroïde beaucoup plus élevé qu’ailleurs. J’avais 6 ans quand l’explosion a eu lieu. Nous ne mangions pas les produits irradiés mais c’était partout autour de nous.

Adulte, j’enseignais l’histoire et je travaillais aussi pour des musées et des archives. J’habitais à Minsk, la capitale, mais je faisais des recherches sur le terrain. On nous obligeait parfois à entrer sur le territoire contaminé. L’État disait qu’il n’y avait plus de radiation et si l’État le disait ça devenait la réalité même si c’était évident qu’il y en avait encore. Mais l’État était et est toujours celui qui a raison.

Quand je suis arrivée au Canada j’ai tout de suite voulu bien apprendre le français. J’avais suivi quelques cours avant de partir pour me préparer à l’entrevue pour l’immigration mais c’était très basic. Donc, arrivée ici j’ai pris tous les cours que je pouvais à travers différents organismes et du ministère de l’Éducation. Je suis ensuite allée au Cégep puis à l’université où j’ai fait un certificat en français écrit pour pouvoir aller aux études afin de découvrir ce je voulais faire par la suite. En Biélorussie, j’avais un baccalauréat en histoire. Ici, ce serait l’équivalent d’un doctorat, le système est différent. Je ne savais pas si je voulais continuer ou faire autre chose. Je trouve qu’ici l’histoire est beaucoup reliée à la géographie. Nous, nous connaissons la géographie mais la géographie ne fait pas partie de notre diplôme. J’ai ensuite décidé de changer de carrière. J’ai fait une majeure à l’université en développement de carrière. J’avais tellement fait de recherche sur ce que je voulais faire que j’ai décidé d’en faire un métier! »

- Ça c’est pour être conseillère en orientation, c’est ça?

« Oui, exactement! C’était en fait mon 2e choix, parce qu’en premier lieu je voulais être médecin. J’ai des personnes proches dans ma famille qui travaillent dans ce domaine-là. Mais, avec les enfants, j’ai pensé que ce serait compliqué avec les horaires et tout. Donc j’ai décidé d’aller vers le développement de carrière. Mais finalement, il y avait trop de contact avec les gens et je me suis rendue compte que ce n’était pas pour moi. Selon les tests psychologiques, j’étais plus faite pour les travaux avec les documents ou faire de la recherche. J’ai essayé de faire du développement de carrière en faisant du bénévolat pour des étudiants du secondaire, mais ça a confirmé mon choix que je voulais aller vers les chiffres et le papier. Il y avait juste trop d’interactions pour moi. J’ai donc fait de la formation continue au Collège LaSalle pour devenir adjointe administrative. D’ailleurs je viens d’avoir mon diplôme!

Après quelques années au Canada j’ai dû quitter rapidement mon logement avec mes enfants parce qu’il y avait de la violence conjugale. J’ai dû demander à des amis de m’aider à trouver un logement. J’ai été placée sur une liste d’attente de logements sans but lucratif. C’était une liste gérée par la Fédération d’organismes sans but lucratif en habitation de la Montérégie. C’est comme ça que j’ai été dirigée vers SOLIDES. Ça m’a permis d’avoir un logement qui soit assez grand pour moi et mes trois enfants. C’est un logement subventionné alors c’est très abordable et on est vraiment très en sécurité dans notre logement.

J’ai travaillé pour SOLIDES comme technicienne administrative pendant un mois et demi au début de la pandémie de Covid-19 mais je n’ai pas été capable de continuer parce que c’était trop difficile avec les enfants puisque que je travaillais toujours avec des chiffres. Même si ça n’a pas duré très longtemps, ça a été une belle expérience et ça a été une étape vers le travail que j’ai maintenant.

J’ai déjà commencé à travailler comme adjointe dans une compagnie qui offre des formations en réanimation cardiovasculaire. Je suis adjointe administrative pour le moment, mais on m’a offert la possibilité de suivre la formation pour devenir instructrice éventuellement. Ça me ramène un peu vers la médecine, il n’y a pas trop d'interactions et il n’y a que quelques cours par semaine. Je veux remercier Fannie* qui m’a fait une très bonne référence quand j’ai postulé pour cet emploi. J’espère que nous aurons une cérémonie de graduation. Je veux aussi les photos avec le chapeau de graduée. J’ai plusieurs diplômes et c’est quelque chose que je n’ai jamais fait. »

Nous nous promenons dans le logement, j’en prends quelques photos et je prends aussi de Maryna. Elle rigole. Devant mon air un peu surpris elle dit : « En Biélorussie on ne souriait jamais sur les photos. Ici on sourit tout le temps et j’aime beaucoup plus ça »

* Fannie Rochefort, coordinatrice administrative de SOLIDES

Texte et photos par Patrick Lemay

Naomie Marleau